21 septembre 2007
Les fans de Philip K. Dick (1928-1982) vont devoir patienter jusqu’au 11 octobre, ce qui menace d’être intenable. Et quand on dit “fans”, c’est le mot tant son oeuvre a suscité d’admirateurs passionnés. Les Voix de l’asphalte (Voices from the street, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, 22 euros, 480 pages, le cherche midi) se présente comme un inédit de 1953 miraculeusement retrouvé. Comment et par qui, on n’en sait pas davantage pour l’instant. Il ne s’agit pas d’un roman de science-fiction, genre dont Dick a fait la gloire, mais d’un “roman hors genre”, catégorie dans laquelle ses éditeurs ont l’habitude de ranger L’Homme dont les dents étaient exactement semblables, Humpty Dumpty à Oakland ou Pacific Park. Il l’ a écrit à 35 ans. On n’y retrouve pas les démons du Philip K. Dick de Substance rêve ou de La Porte obscure, personnalité puissamment paranoïaque, accro aux amphétamines, menant une existence chaotique ponctuée de séparations et de dépressions, hanté par la mort de sa soeur jumelle six semaines après leur naissance, par le divorce de ses parents et par l’éloignement définitif de son père. Il n’a vraiment connu le succès qu’à partir de la publication du Maître du Haut-Château (1962) et la consécration avec Ubik, même si le cinéma y a été pour beaucoup en transformant Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? en Blade runner, la nouvelle Souvenirs à vendre en Total recall, Rapport minoritaire en Minority report et d’autres encore avec plus ou moins de bonheur.
Alors, ce roman dit de jeunesse, valait-il d’être ressuscité ? L’histoire tourne autour de trois personnages, un vendeur de téléviseurs de Oakland que l’on croit comblé par l’american way of life alors qu’un sourd malaise l’envahit, une femme à la tête d’un journal cryptofasciste et le chef charismatique de la société des Gardiens de Jésus. Le récit est rythmé en quatre temps organisés autour de quatre parties (Le matin, l’après-midi, le soir, la nuit); d’une écriture assez classique, ça se lit sans déplaisir comme on visite avec une certaine curiosité un morceau d’Amérique conservé dans le formol. Ca ressemble effectivement à du Philip K. Dick “hors genre”. Sauf la première page, préambule discrètement crépusculaire en date du 12 février 1982 dans lequel il dresse le bilan de ses années d’écrivain à succès, manifeste son rejet d’un entourage qui le presse de mieux utiliser son argent et de mener une vie correspondant enfin à son statut d’écrivain à succès, avant de conclure sur une apologie du travail de l’écrivain, de l’acte même de travailler et de la besogne. Cette page unique est probablement ce qu’il y a de plus fidèle à l’idée qu’on se fait de Dick, surtout si l’on a en mémoire l’évocation toute en finesse que lui consacra autrefois Emmanuel Carrère (Je suis vivant et vous êtes morts). Philipe K. Dick est mort trois semaines après l’avoir écrite. A propos, le “K”, c’est pour Kindred.
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Je n'ai jamais lu ses romans "traditionnels". C'est le bon moment pour commencer.
(à noter que là je décide de me lancer à l'instant dans Les Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand, que ma collègue a abandonné sur le comptoir...)